« Éros Et Agapè » Appel à Contribution pour un numéro thématique pour la revue Religiologique

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La revue RELIGIOLOGIQUE : APPEL À CONTRIBUTION pour un NUMÉRO THÉMATIQUE
« ÉROS ET AGAPÈ »

Résumé de l’argumentaire
Ce numéro thématique de Religiologiques souhaite remettre la problématique de l’éros au centre de la réflexion porté sur l’amour, en tant que catégorie religieuse élémentaire. Le point de départ choisi relève d’une volonté d’aborder la question de l’éros dans sa phénoménalité et sa sémantique. En ce sens, nous nous intéressons moins aux rapports théoriques qu’entretient éventuellement l’éros avec la mort (Freud), la subversion (Marcuse) ou la transgression (Bataille), etc. qu’à l’éros dans son rapport à lui-même, à l’amour lui-même, sous les différents visages qu’on lui prête et les noms qu’on lui donne : amour sacré et amour profane, amour divin et amour humain, agapè, philia, caritas… Nous sollicitons des contributions développées autour de réflexions touchant le phénomène amoureux, les formes de l’amour, leurs désignations, ainsi que leur rôle dans les systèmes éthiques, les croyances et les idées religieuses.

Argumentaire détaillé
Contemporain du Tartare et de Gaïa, le dieu Éros apparaît, dans la cosmogonie hésiodique, comme le dieu de l’amour, dont la fonction première est de susciter le désir (épithumia). Engendré par l’union de la nuit et du vent, selon la tradition orphique; décrit par les anciens comme une créature ailée possédant deux sexes et quatre têtes, pouvant tantôt siffler comme un serpent et tantôt bêler comme un bélier, Éros fait naître des passions sexuelles désordonnées susceptibles de troubler l’ordre social. Selon Sophocle, il représente un pouvoir qui « gauchit l’esprit juste », interprétation qu’on retrouve également chez Euripide et Platon. Mais Éros possède également une valeur singulière chez le fondateur de l’Académie, en ce qu’il constitue « Le seul pont empirique entre l’homme tel qu’il est et l’homme tel qu’il pourrait être » (Dodds, 1966 : 211). Admettre la possibilité d’un tel « pont » serait suivre un chemin qui va des orphiques à Scot Érigène, en passant par Plotin et le pseudo-Denys. Cette sotériologie de l’ascension de l’âme selon l’éros s’opposerait au principe de l’agapè, par lequel Dieu, ayant seul l’initiative du salut individuel, s’abaisserait vers l’être humain dans un acte d’amour totalement gratuit, désintéressé et sans condition. Tel est la thèse centrale du théologien suédois Anders Nygren dans son plus important ouvrage, Éros et agapè : la notion chrétienne de l’amour et ses transformations, publié au début des années 1930.

Cette opposition entre éros et agapè n’est pas biblique. Les deux termes se trouvent d’ailleurs indistinctement utilisés par d’éminentes figures du christianisme des premiers siècles tels que Justin de Rome, Clément et Origène d’Alexandrie, Méthode d’Olympe et Grégoire de Nysse. Explicitement posée au XIXe siècle par un auteur qui n’avait rien d’un chrétien (Schopenhauer, dans Le fondement de la morale), l’opposition a été reprise par Nygren et interprétée à la lumière de la doctrine luthérienne de la grâce, faisant de l’agapè le « mobile fondamental » du christianisme, refusant toute valeur à l’éros comme Luther refuse toute valeur aux œuvres dans l’économie du salut.

Dans son opus magnum, Nygren fait de l’agapè la singularité même du christianisme, qu’il oppose non seulement à l’éros grec, mais également à un troisième « mobile » : celui du nomos, de la loi (Tōrah) issue de la tradition judaïque. Il s’agit d’une religion d’amour par obéissance où Dieu ne consent à prodiguer son amour qu’à ceux et celles qui obéissent à ses commandements (miṣwōt). L’acte d’amour n’y est donc pas spontané, mais prescrit. Il est un impératif. Or, la question se pose : aimer par obligation est-il encore aimer ? Aussi, à côté de l’éros et du nomos, où le sujet croyant doit prouver sa valeur pour mériter l’amour de Dieu (soit par obéissance, soit par piété), le mobile de l’agapè constitue une perspective radicalement nouvelle : c’est l’amour qui vient de Dieu qui crée la valeur du sujet croyant. La distinction est importante. Mais cela ne signifie-t-il pas, comme le suggère Jean-Luc Marion, que la distinction entre éros et agapè, telle que posée par Nygren, n’aurait pour toute condition de possibilité qu’une vision économique de l’amour, considéré comme une chose qui s’échange (Marion, 2003) ? Or, émancipé de la triple obligation de donner, recevoir et rendre, le don érotique (ou amoureux) n’est-il pas beaucoup plus radical que le don de l’anthropologie maussienne ?

Face à ce conflit entre deux mobiles n’ayant « aucun rapport entre eux » (Nygren, 2009), certains ont plutôt parlé de mise en tension (de Rougemont, 1972), de conjonction et de disjonction (Outka, 1972; Causse, 1999) ou encore d’une « unité originelle » (Cantalamessa, 2012). C’est dans un même esprit que Benoît XVI a repris le problème dans son encyclique Deus caritas est, affirmant qu’éros et agapè ne se laissent jamais complètement séparer. Qu’en est-il donc, aujourd’hui de cette question ? Éros et agapè sont-ils les deux dimensions d’une même réalité que subsume le terme amour ? S’agit-il plutôt d’une différence de nature ? Soit l’amour n’est qu’une forme signifiante du langage, soit il est autre chose. Et si cette chose est, peut-elle être donnée autrement que d’une manière antéprédicative ? Le langage saurait-il garantir la singularité d’une forme d’amour à l’exclusion de toutes les autres ? Et qu’en est-il des notions relatives au phénomène amoureux en dehors de la tradition occidentale ? Rencontre-t-on des problèmes de désignation semblables ou équivalents ? Par exemple, dans le cadre de la pensée islamique, les différents usages de mot ‘ishq relèvent-ils de considérations éthiques et religieuses ? Et dans quelle mesure l’opposition entre amour bédouin (hubb badawî) et amour citadin (hubb hadhârî) est-elle signifiante, en regard de notre problématique d’ensemble ?

Il est entendu que le problème « éros et agapè » est inhérent à la tradition chrétienne. Néanmoins, de nombreux liens existant entre amour, érotisme et religion ont été reconnus avant même que ne se soient constituées les sciences sociales. Et, précisément, les réformateurs sociaux du XIXe siècle, qui ont été des fondateurs de religions, n’ont rien ignoré du rôle fondamental que peut jouer l’amour dans un système religieux. L’amour est ce qui unit le disjoint : « Ainsi ils ne sont plus deux, énonce l’Évangile de Marc, mais ils sont une seule chair » (Mc 10, 8). Or ce principe est tout aussi bien celui de la loi d’amour de Saint-Simon que celui de la loi de l’attraction passionnée de Fourier. C’est celui qui oriente le triptyque positiviste (amour, ordre, progrès) et sur lequel s’adosse le principe d’égalité chez Leroux. Qu’est-ce que les sciences des religions peuvent dirent, aujourd’hui, des liens entre amour, érotisme et sexualité ? Nous proposons cinq axes de recherches :

Axe 1 – Éros, agapè et le démon du classement
Axe 2 – L’amour dans la religion et pour la religion
Axe 3 – Amour et légalisme : loi d’amour et amour de la loi
Axe 4 – Amour, logique du don et réciprocité
Axe 5 – Éros sans agapè et agapè sans éros

Bibliographie :
Cantalamessa, Raniero, Éros et Agapè : les deux visages de l’amour, Nouan-le-Fuzelier : Édition des Béatitudes, 2012.
Causse, Jean-Daniel, La haine et l’amour de Dieu, Genève : Labor et Fides, 1999.
De Rougemont, Denis, L’amour et l’Occident, Paris : 10/18, 1939.
Dodds, Eric Robertson, Les Grecs et l’irrationnel, Paris : Montaigne, 1965.
Marion, Jean-Luc, Le phénomène érotique, Paris : Grasset, 2003.
Nygren, Anders, Érôs et Agapè. La notion chrétienne de l’amour et ses transformations, 3 tomes, Paris : Cerf, 2009.
Outka, Gene, Agapè : An Ethical Analysis, New Haven : Yale University Press, 1972.

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LONGEUR des textes
Les articles doivent être de 6 000 à 8 000 mots, en format WORD (.docx) et conformes aux « Consignes de présentation » qui sont disponibles sous l’onglet « Soumission d’articles » du site Web de Religiologiques (https://www.religiologiques.uqam.ca).

SOUMISSION des textes
Les textes sont soumis à l’adresse courriel suivante religiologiques@uqam.ca.

ÉCHÉANCE
Les manuscrits sont à soumettre avant la fin du mois de juin 2022 le délai a été prolongé jusqu’en septembre 2022. Avant de soumettre un texte pour évaluation, il est possible d’acheminer une proposition d’article (de 300 à 400 mots) à la direction du numéro thématique.

Pour de plus d’INFORMATION, veuillez contacter
Marc-Antoine Fournelle (PhD, Université du Québec à Montréal), la direction du numéro thématique. Département de sciences des religions, Université du Québec à Montréal
Courriel : fournelle.marc-antoine@courrier.uqam.ca

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INFORMATION sur la revue RELIGIOLOGIQUES

RELIGIOLOGIQUES est une revue de sciences humaines qui s’intéresse aux multiples manifestations du sacré dans la culture ainsi qu’au phénomène religieux sous toutes ses formes. Elle s’intéresse également au domaine de l’éthique. Les articles qu’elle publie font l’objet d’une évaluation des comités de lecture spécialisés (à double insu, et au moins trois expertises) et indépendants de son comité de rédaction. RELIGIOLOGIQUES est la revue phare de la recherche francophone en sciences des religions en Amérique du Nord publiée de 1990 à 2005 (31 numéros, la majorité des articles étant disponible dans leur intégralité en ligne sur le site de la revue : https://www.religiologiques.uqam.ca) et qui a repris, depuis 2015, sa tradition de publication de numéros thématiques (qui peuvent être proposés), d’articles hors thèmes (acceptés en tout temps) et de numéros varia.

RELIGIOLOGIQUES : Université du Québec à Montréal (UQAM), Département de sciences des religions, Courriel: religiologiques@uqam.ca

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