« Le religieux et le cinéma » — APPEL À CONTRIBUTION pour un NUMÉRO THÉMATIQUE

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APPEL À CONTRIBUTION pour un NUMÉRO THÉMATIQUE
« Le religieux et le cinéma »

ARGUMENTAIRE
L’expérience esthétique et l’expérience religieuse dansent ensemble depuis la nuit des temps. À cet égard, l’histoire nous a souvent montré que la poésie peut se faire théologie et, la théologie, poésie. Les sciences des religions nous ont montré quant à elles que ce rapport entre art et religieux touche à des enjeux sémantiques fondamentaux dans la mesure où ces expériences – qu’elles soient esthétiques ou religieuses – se butent souvent aux limites du langage. Dire la rencontre de Dieu ou la beauté d’une œuvre tient à la fois de ce qui est transcendant et ambigu, devenant alors l’affaire de la figuration, de la métaphore ou de l’analogie bien plus que celle du langage dénotatif et de la pensée logique (Jenny, 1983). Ce même rapport est d’ailleurs observable depuis le paléolithique jusqu’à aujourd’hui, ayant été problématisé par différentes disciplines, notamment l’archéologie (Lorblanchet, 2017), la philosophie du langage (Schaeffer, 2015) et l’anthropologie culturelle (Descola, 2021).

Dans le cadre de ce numéro thématique, il s’agira de prêter une attention particulière à la relation entre religieux et cinéma. C’est donc à un exercice interprétatif auquel auteurs et autrices sont convié.e.s, c’est-à-dire analyser des films en lien avec leurs contenus religieux, mais également repérer des structures et des fonctions proprement religieuses dans les films. En d’autres mots, cette proposition tentera de mettre à jour ce qui est dans l’angle mort de la recherche en sciences humaines : l’étude de l’objet filmique comme étant à la fois vecteur de cinématographie et de religiosité. Pour ce faire, trois axes seront priorisés, les mêmes qui ont d’ailleurs été élaborés par Jacques Pierre dans son texte « La stratification du discours religieux et la modernité » (2010) : matériaux, structure et fonction.

I. L’axe thématique des « matériaux »
Cet axe consiste à remarquer, collectionner et lier ensemble les matériaux inhérents à une religion instituée, à un répertoire mythologique ciblé ou bien à une forme de spiritualité connue. Le film devient alors le réceptacle contemporain de tous ces matériaux qui sont utilisés non plus pour leur valeur performative, mais bien pour leur teneur symbolique. À titre d’exemples, c’est Thérèse d’Alain Cavalier, c’est The Northman de Robert Eggers, c’est Spring, Summer, Fall, Winter… Spring, de Kim Ki-duk. Dans tous ces cas, les matériaux qui constituent les films renvoient clairement et systématiquement à des « sites » religieux, mythologiques ou spirituels que l’on peut circonscrire et, donc, nommer. Mais ce premier axe peut également se pencher sur des matériaux qui ne sont pas nécessairement reconduits vers un récit à connotations religieuses, mythologiques ou spirituelles. À titre d’exemples, c’est The Matrix des sœurs Wachowskis ou bien Lord of the Rings de Peter Jackson, des films qui extraient les matériaux de leurs terreaux religieux pour ensuite les réutiliser à l’intérieur d’un cadre fictif. Nous pourrions donc dire que, dans le premier cas, les matériaux sont « intrareligieux » (par exemple : un film qui utilise des matériaux chrétiens et qui traite du christianisme) et que, dans le deuxième cas, les matériaux sont « extrareligieux » (par exemple : un film qui utilise des matériaux chrétiens, mais qui ne traite pas du christianisme). Les œuvres analysées, grâce à l’étude de leurs matériaux, permettent ainsi de s’interroger à nouveau sur des concepts ou des problèmes qui sollicitent le phénomène religieux, devenant par le fait même de surprenants leviers pour la recherche.

II. L’axe thématique de la « structure »
Ce deuxième axe consiste à déceler les structures des rites et des mythes tels qu’on les retrouve dans les différentes religions ou mythologies, mais à l’intérieur des films. Contrairement à l’axe des matériaux, l’approche ici n’est pas concernée par des agrégats explicites (un crucifix, un coran, un temple bouddhiste, etc.), mais bien par des mécanismes implicites. À titre d’exemple, c’est la structure du rite de passage chez Arnold van Gennep que l’on peut observer dans Never Ending Story de Wolgang Petersen, ou bien celle du mythe cosmogonique chez Mircea Eliade dans 2001 : A Space Odyssey de Stanley Kubrick. Il s’agit donc de repérer des structures parentes entre certains mythes/rites et certains films, afin de montrer que ces dernières sont tout aussi opérantes dans leurs formes artistiques que religieuses (Durand, 2016). Pareillement à l’axe des matériaux, il peut y avoir des structures « intrareligieuses » (par exemple : un film qui traite de l’islam et qui est érigé sur la structure d’une notion, d’un rite ou d’un mythe islamique), ainsi que des structures « extrareligieuses » (par exemple un film qui traite d’une fiction, mais qui construit son récit sous le modèle d’une notion, d’un mythe ou d’un rite religieux). L’analyse des films, grâce à l’étude de leur structure, permet ainsi de constater que le cinéma conserve en lui des traces significatives de religieux toujours actives dans la culture.

III. L’axe thématique de la « fonction »
Le troisième axe consiste à réfléchir aux différentes fonctions du cinéma. Il faut alors sortir de l’analyse ciblée pour ouvrir sur une interprétation socioanthropologique. À cet égard, les films font bien plus que raconter des histoires ; ils sont de véritables acteurs qui agissent dans les sociétés et qui participent à nos systèmes de valeurs, de croyances, de représentations. « Le » sens des films, tissé à même « les » sens, qui constituent leur dispositif (images en mouvement, son, musique, construction de l’espace-temps), se déploie à travers des formes d’expressions qui montrent ce que les mots ne sauraient dire (Laplantine, 2007). C’est ainsi que les films « vibrent » dans la culture, animés par des fonctions sociales, politiques et spirituelles. À titre d’exemples, c’est The Exorcist, de William Friedkin, qui repoussa la limite entre fiction et réalité, obligeant une génération complète à se resituer face aux manifestations paranormales ; ce sont les sagas Harry Potter et Star Wars, ces créatrices de communautés humaines qui prirent forme à l’extérieur des salles de cinéma ; c’est The Last Temptation of Christ, de Martin Scorsese, qui ébranla les fondations dogmatiques de l’Église catholique un peu partout en Occident ; ce sont les œuvres de Tarkovski, de Malick ou de Bergman qui remettent en directement en question le sens de nos existences et qui reposent des problèmes d’ordre spirituel par le moyen d’un art populaire. L’interprétation fonctionnelle permet ainsi de mettre en lumière l’agentivité des films (Gell, 1998), de comprendre ces derniers comme des « espaces de résonance » entre nous et le monde (Rosa, 2021) et, finalement, de considérer le cinéma comme un mode de connaissance en soi dont les sciences humaines ne peuvent plus se permettre de faire les frais (Piault, 2008).

Le rapport religieux-cinéma pouvant ratisser très large, c’est donc dans un souci de concision que les trois axes ont été présentés. Ceux-ci ne sont pas mutuellement exclusifs ; chacune des propositions pourra inclure en elle-même autant d’axes souhaités.

Bibliographie

Descola, Philippe. 2021. Les formes du visible. Paris : Seuil.
Durand, Gilbert. 2016. Les structures anthropologiques de l’imaginaire (12e édition). Paris : Dunod.
Gell, Alfred. 1998. Art and Agency: An Anthropolical Theory. Oxford : Clarendon Press.
Jenny, Laurent. 1982. La terreur et les signes : poétique de ruptures. Paris : Gallimard.
Laplantine, Francois. 2007. Leçons de cinéma pour notre époque. Paris : Téraèdre.
Lordblanchet, Michel. 2017. Les origines de l’art. Paris : Le Pommier.
Piault, Marc-Henri. 2008. Anthropologie et cinéma : passages à l’image, passage par l’image (2e édition). Paris : Téraèdre.
Pierre, Jacques. 2010. « La stratification du discours religieux et la modernité ». DansModernité et religion au Québec, sous la dir. de Robert Mager et Serge Cantin, p. 323-339. Québec : Presses de l’université Laval.
Rosa, Hartmut. 2018. Résonance. Une sociologie de la relation au monde. Paris : Éditions La Découverte.
Schaeffer, Jean-Marie. 2015. L’expérience esthétique. Paris : Gallimard.
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Longueur des articles
Les articles doivent être de 6 000 à 8 000 mots, en format WORD (.docx) et conformes aux « Consignes de présentation » disponibles sous l’onglet « Soumission d’articles » du site Web de la revue Religiologiques (http://www.religiologiques.uqam.ca).

Soumission des articles
Les textes doivent être envoyées au secrétariat de la revue Religiologiques, aux adresses courriels suivantes : religiologiques@uqam.ca et jo_quesnel30@hotmail.comen “cc”.

ÉCHÉANCE
Les manuscrits sont à soumettre avant la fin du mois de septembre 2023. Avant de soumettre un texte pour évaluation, il est possible d’acheminer une proposition d’article (de 350 à 450 mots) à la direction du numéro thématique.

Pour de plus amples informations, veuillez contacter
Jonathan Quesnel (PhD, UQAM), la direction du numéro thématique
Courriel : jo_quesnel30@hotmail.com.

INFORMATION sur la revue RELIGIOLOGIQUES

RELIGIOLOGIQUES___est une revue de sciences humaines qui s’intéresse aux multiples manifestations du sacré dans la culture ainsi qu’au phénomène religieux sous toutes ses formes. Elle s’intéresse également au domaine de l’éthique. Les articles qu’elle publie font l’objet d’une évaluation des comités de lecture spécialisés (à double insu ; sollicitation systématique de trois expertises) et indépendants de son comité de rédaction.

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RELIGIOLOGIQUES
Université du Québec à Montréal (UQAM)
Département de sciences des religions
Courriel: religiologiques@uqam.ca

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